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Cancer des testicules : un manga pour en parler

par Corentin Paillassard | Mar 17, 2021 | Plage culture

Les cancers de l’intime sont des sujets sensibles, presque tabous à cause des parties du corps qu’ils concernent. Parmi eux, les cancers masculins, en particulier celui des testicules, sont encore assez peu connus. Fin 2019 sortait le manga Mon cancer couillon, une œuvre autobiographique dans laquelle Kazuyoshi Takeda raconte son traitement, du dépistage à la chimiothérapie, en passant par l’opération. Retour sur cette bande dessinée tantôt triste, tantôt drôle avec deux membres d’associations qui travaillent autour des cancers masculins.

Le cancer testiculaire est un cancer relativement rare (moins de 3 000 cas par an en France), qui touche majoritairement les hommes jeunes. Détecté à temps, il peut être bénin et soigné plutôt rapidement, notamment par l’ablation du testicule malade. Mais dans certains cas de prise en charge tardive, le cancer peut « envahir » d’autres organes : on parle alors de métastases, et le traitement requis pour se soigner est plus conséquent. C’est ce que raconte Kazuyoshi Takeda dans son œuvre Mon cancer couillon. À 35 ans, alors qu’il est assistant mangaka (le nom donné aux auteurs de mangas), il est diagnostiqué d’un cancer testiculaire, avec des métastases dans les poumons. En plus de l’ablation du testicule malade, il doit suivre une chimiothérapie et un puissant traitement médicamenteux aux lourds effets secondaires pour éviter que la maladie ne s’aggrave. Le livre parle de son séjour à l’hôpital, des effets du traitement, mais aussi de ses relations avec sa famille, le personnel médical et les autres patients.

« Ça raconte une histoire qui n’est pas simple de façon réaliste. Il met en lumière la réalité du cancer » indique Stéphane Beaumont, ambassadeur de Movember France (voir encadré). Un avis partagé par Olivier Jérôme, président de l’association CerHom (voir encadré) : « La façon dont c’est raconté est un bon reflet de ce que peut être en général le ressenti de quelqu’un qui a un cancer du testicule. » Même si bien sûr, « le vécu de chacun est différent », et personne ne réagit de la même façon à la maladie. Un aspect qui ressort d’ailleurs dans l’œuvre, où les rencontres du héros avec des patients souffrant de cancers divers montrent une palette de réactions variées. Déni, colère, flegme apparent, chacun a sa façon de vivre l’épreuve, toujours difficile, qu’est le traitement anti-cancer.

Le manga est un grand format, racontant son histoire sur presque 300 pages. 

Relations humaines

Certains effets secondaires sont toutefois récurrents chez les patients en chimiothérapie, comme la perte de cheveux ou du goût. L’auteur consacre d’ailleurs de nombreuses pages à ces effets, décrivant en détail leur impact sur son corps et son moral. Vomissements, impossibilité de manger, hypersensibilité aux sons et aux odeurs… Des passages durs, qui peuvent mettre mal à l’aise, mais qui reflètent fidèlement ce que peuvent vivre les concernés. « Je me forçais à manger des choses que j’étais sûr d’aller vomir », se rappelle Stéphane Beaumont, en évoquant l’odeur de l’hôpital qui l’assaillait lors de ses séjours.

Un réalisme qui se retrouve également dans la description du processus de soin. « C’est exactement la même chose », commente Olivier Jérôme, faisant référence à une page qui décrit « l’agenda » du traitement, avec les injections de médicaments étalées dans le temps. « C’est très réaliste, les cycles chimio-scanner-traitement », confirme Stéphane Beaumont. Dans un registre plus positif, ce dernier explique également que « l’accueil des équipes », « la solidarité entre patients et avec les équipes de soins » et « les liens qui se créent, l’amitié » sont biens « réels ». C’est l’un des points centraux de l’œuvre : les relations humaines. L’auteur développe sa relation avec les autres patients, qui vivent une situation similaire à la sienne, avec ses amis et collègues, qui ne savent pas forcément comment réagir, et avec sa femme, un soutien important pour lui pendant cette période. 

Kazuyoshi Takeda accorde une importance toute particulière à la représentation de son état mental tout au long du traitement, n’hésitant pas à exprimer tous ses états d’âmes à différents moments du traitement. La peur, les doutes, la dépression, mais aussi le soulagement, la joie. Aux annonces de mauvaises nouvelles se succèdent les moments de bonheur en couple ou les retrouvailles avec son chien. À cela s’ajoute une réflexion sur son avenir, sur le rapport à la maladie, la mort… Cela passe notamment par les autres patients, des enfants qu’il voit passer dans l’hôpital aux hommes âgés qui séjournent à l’hôpital avec lesquels il a de nombreuses discussions.

Certains passages décrivent avec précisions les procédures de traitement et le quotidien des patients.

Prévenir et dépister

Mais si le manga est très fidèle à la réalité, d’inévitables différences culturelles apparaissent cependant – le pays où se déroule l’histoire n’étant pas la France, mais le Japon. La plupart d’entre elles sont mineures, mais la répartition des patients en chambre est suffisamment importante pour être soulignée : pour les malades qui séjournent à l’hôpital, il est très rare d’être plus de deux par chambre en France. « Deux lits oui, au-delà, non », affirme Olivier Jérôme, et les regroupement de patients ne sont pas courants, surtout en hôpital. Cela peut toutefois être différent pour les patients qui ne viennent qu’en journée, en hôpital de jour, comme en témoigne Stéphane Beaumont, qui parle « d’une grande pièce avec plusieurs postes de chimio ».

Malgré ces quelques détails, le manga reste une représentation fidèle du parcours d’un patient atteint d’ un cancer testiculaire. Pour Stéphane Beaumont, « si le format manga peut susciter de l’intérêt de générations plus jeunes sur ce sujet, il peut faire un excellent vecteur de communication et de prévention. » Le livre est ainsi un médium de plus permettant de parler de cette thématique sensible. Côté patient, « il peut être une bonne façon de voir comment ça va se passer, même si certains n’auront évidemment pas envie de le lire », indique Olivier Jérôme. D’un autre côté, « tout ce qui peut en parler est une opportunité de faire de la prévention », insiste-t-il. « Les gens qui le liront pourront en parler à leurs frères, leur père, leurs cousins, leurs fils ». 

Car le sujet reste difficile à aborder, les testicules étant associés à toute une représentation de la masculinité. « L’homme ne va pas beaucoup parler de son cancer testiculaire, déplore-t-il, ça peut-être vu comme dégradant parce que ‘si t’as pas de couilles t’es pas un mec’, alors qu’on est juste un homme avec un testicule en moins ». L’un des combats des associations est donc la prévention, et surtout de promouvoir le dépistage, qui doit être réalisé le plus tôt possible : « le cas de M. Takeda [La prise en charge tardive, NDLR], c’est malheureusement trop souvent ». Et « le seul moyen de faire du dépistage c’est l’auto-palpation, et aller voir le médecin si on sent quelque chose de bizarre », précise-t-il. Un message important à faire passer par tous les moyens possibles, et ce manga est l’un d’eux. Une œuvre différente des publications habituelles, et pour reprendre les mots d’Olivier Jérôme à son propos : « C’est assez couillu d’avoir sorti un manga comme ça ! »

Un grand merci à Stéphane Beaumont et Olivier Jérôme pour leurs témoignages. 

Mon cancer couillon, Kazuyoshi Takeda, traduit par Hana Kanehisa, collection Pika Graphic, 288 pages, 20€

Movember Foundation est une association internationale qui réalise des actions autour de la santé masculine. Elle s’attaque aux cancers comme ceux de la prostate ou des testicules mais aussi à des questions comme la santé mentale ou le suicide. Elle organise notamment le “Movember”, une initiative qui incite les hommes à se laisser pousser la moustache tout le mois de novembre pour attirer l’attention sur ces problématiques. fr.movember.com

CerHom est une association française de lutte contre les cancers masculins. Née sous l’impulsion du Professeur Fizazi, oncologue et chef de service de l’Institut Gustave Roussy de Villejuif, elle fait de la prévention, recueille des témoignages et alerte les pouvoirs publics sur ces problématiques. Elle a notamment produit des clips de prévention sur le cancer testiculaire. L’association tient également des lignes d’écoute et d’information, notamment à destination des patients. (TEST’ÉCOUTE 07 82 33 15 72 et PROST’ÉCOUTE 06 41 22 41 51 )  www.cerhom.fr

Stéphane Beaumont est ambassadeur Movember France. Représentant souvent l’association à diverses occasions, il a lui-même été victime d’un cancer testiculaire au début des années 2000. Après avoir suivi une chimiothérapie en hôpital de jour, une expérience pour le moins marquante, il s’est impliqué rapidement dans l’association Movember, avant même qu’elle ne s’implante en France.

Olivier Jérôme est le président de l’association CerHom. Lui-même ancien patient, il a eu en 2001 un cancer testiculaire. Son histoire est relativement similaire à celle décrite dans le manga, et il a soutenu avec CerHom sa sortie en France.


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