Lumine, le jeu qui fait la lumière sur le cancer chez les enfants
Être un jeu qui accompagne les enfants et leurs parents dans leur combat contre le cancer, c’est la vocation de Lumine, un jeu éducatif à destination des jeunes patients et de leurs parents. Développé par CCCP Serious Game studio en collaboration avec le CHU Toulouse, la clinique Pasteur et des associations de patients, le jeu veut être un outil d’information accessible aux petits et grands.
Répondre aux questions des enfants dans un cadre original, ludique et accueillant, c’est le but de Lumine. (Crédit image : CCCP Serious Games Studio /CHU Toulouse / Clinique Pasteur)
Une musique un brin inquiétante. Une brume impénétrable. Un enfant inquiet qui se pose des questions. Et soudain, la lumière et la voix rassurante d’une luciole qui vient illuminer l’écran. Bienvenue dans Lumine, le jeu qui éclaire les problématiques du cancer chez les enfants. Pourquoi un jeu vidéo ? En analysant les outils de communication des services hospitaliers et des associations, ce qui manquait, « notamment d’après les associations de patients, c’était les réponses à des questions purement pratiques, d’angoisse », analyse Frédéric Forest, directeur commercial et cofondateur de CCCP Games, qui a travaillé à la conception du jeu. C’est « le point de démarrage du projet », dont le développement allait nécessiter la collaboration de trois types d’entités : le studio de développement, les instances hospitalières et les associations de patients.
Une alliance dans laquelle « chacun, dans son champ de compétence » allait apporter sa nécessaire contribution, selon Céline Pont, infirmière puéricultrice coordinatrice de l’activité pédiatrique en hospitalisation à domicile à la clinique Pasteur de la ville rose. Pour le personnel médical, il s’agit de « recueillir les questionnements qu’avaient les enfants et les parents » et ensuite « choisir les questions les plus pertinentes et assurer la rédaction des réponses ». Une tâche partagée par les associations, qui sont là pour « apporter le point de vue des familles sur ce dont ils ont besoin comme information » et sur « comment informer » raconte Anita Granero, présidente de l’association Oscar’s Angels, qui a participé au projet. « Nous avons été inclus dans ce projet parce que notre association fait partie intégrante de l’équipe soignante du CHU de Toulouse, on est donc présents dans le quotidien des familles. » C’est ainsi une synergie entre les différents intervenants, pour trouver les questions et leurs réponses, tout en restant rigoureux d’un point de vue médical, qui a donné naissance à ce jeu.
Courir, sauter, gérer sa barre d’endurance : un vrai jeu de plate-forme qui reste accessible aux plus jeunes. (Crédit image : CCCP Serious Games Studio /CHU Toulouse / Clinique Pasteur)
Chaque niveau contient un nombre fixe de lucioles à récupérer, et les réponses aux questions se dévoilent au fil de la collecte.
Informer de manière originale
Pour le docteur Anne-Isabelle Bertozzi, pédiatre oncologue au CHU Toulouse qui a participé à la coordination du projet : « L’idée c’est que les gens puissent aller sur les thèmes qu’ils ont envie d’aborder, d’où la structuration par thème. » Des grands thèmes qui regroupent les différentes interrogations choisies lors du processus de création. « C’est quoi un cancer », « comment ça se passe avec mes copains ? », « où est-ce que je serais soigné ? »… Une fois les questions choisies et leurs réponses écrites, il s’agit de trouver la manière de les intégrer dans un jeu vidéo. C’est là qu’interviennent les game-designers, les concepteurs du jeu, qui « vont créer les mécaniques de jeu pour pouvoir passer au mieux les informations », explique Frédéric Forest. « On avait la possibilité de faire du game design (de la conception de jeu, NDLR) autour du contenu fourni, de trouver des mécaniques de jeu et des thématiques de niveaux qui correspondent aux questions. » Encadré bien sûr par les autres entités derrière le jeu : « on a été sollicités par le développeur pour tout ce qui est choix des images, des personnages, de l’ambiance… », ajoute Céline Pont.
Le résultat : un jeu de plateforme/exploration aux visuels enchanteurs, entièrement doublé, où chaque question donne lieu à un niveau. Aidé de la luciole Lumine, le joueur ou la joueuse contrôle un enfant et doit chasser la brume, qui emplit les menus et environnements en trouvant un certain nombre de lucioles par niveau. Les contrôles sont simples : le personnage se dirige avec les flèches du clavier, et peut courir et sauter.
Les développeurs ont toutefois intégré des subtilités qui font varier l’expérience tout en faisant écho aux problématiques abordées : l’exemple le plus évident étant la présence d’une barre d’endurance dans certains niveaux, incarnation de la fatigue qui peut résulter des traitements contre le cancer. Le jeu est accessible, sans difficultés particulières, mais propose suffisamment d’interactivité pour être considéré comme un jeu et non pas comme de simples fiches d’informations dans un écrin inhabituel. C’est à Lumine, la luciole présente tout le long de l’aventure, d’apporter les réponses aux questions sous forme de dialogues qui se déclenchent dans certaines parties des niveaux. L’information est ainsi distillée par petites touches, avec un résumé à la fin de chaque niveau.
Les parents ont tout un espace à eux, où des fiches répondent de façon concises à des questions précises. (Crédit image : CCCP Serious Games Studio /CHU Toulouse / Clinique Pasteur)
Un nouvel outil pour communiquer
Le logiciel n’est d’ailleurs pas destiné qu’aux seuls enfants. « Les questions des enfants et des parents ne sont pas les mêmes », avait constaté Frédéric Forest. Les équipes de développement ont alors fait le choix de séparer le jeu en deux parties, avec toute une section dédiée aux parents. « Les parents n’ont pas forcément envie de jouer, l’idée c’était d’avoir des fiches ergonomiques et surtout qui vont droit au but » : les interrogations sont réparties en quatre thèmes, et chaque question donne accès à une fiche explicative qu’il faut « découvrir » en chassant la brume avec la souris. Se révèle alors un texte qui répond à la question, parfois accompagné d’illustrations, ainsi que des liens vers plus de ressources pour approfondir le sujet.
C’est donc un médium original qui s’ajoute à l’arsenal des associations et des instances médicales pour renseigner les patients et le grand public sur tout un faisceau de problématiques liés au cancer. « On a de plus en plus besoin d’outils informatiques, car c’est, surtout au niveau des enfants et des adolescents, ce qu’on utilise aujourd’hui. » Anita Granero explicite ainsi que ce jeu rentre dans un ensemble « d’outils qui peuvent être utilisés pour donner l’information aux familles », se rajoutant aux livrets, site web etc. Pour le Dr Bertozzi : « Les enfants aiment bien, jouent avec les éducatrices, ça leur plaît bien. Les parents eux, y trouvent une porte d’entrée sur le monde du net, vers des informations » sur la maladie de leur enfant. Le jeu sert aussi, et peut-être surtout, à créer des moments d’échanges, de dialogue autour du sujet, au sein des familles : « Plus que de jouer seul, c’est un moment où on va échanger en famille, avec les grands-parents, poser des questions… » Lumine devient, « sur des thématiques qui sont difficiles, un outil qui permet d’accompagner » les patients et les familles.
Oscar’s Angels est une association de bénévoles hospitaliers labellisée « Représentants d’usagers du système de santé ». Elle apporte son soutien aux familles dont les enfants reçoivent des soins à l’Hôpital des enfants de Toulouse. (www.oscarsangels.com)