Taxis conventionnés : quand le transport participe au réconfort
Les taxis français, lorsqu’ils sont conventionnés, sont un moyen de transport gratuit pour les malades du cancer dans le cadre de leur traitement. Plus qu’une façon de s’éviter du stress, cette option peut devenir une parenthèse réconfortante.
382 000 : c’est le nombre de nouveaux cas de cancer pour l’année 2018 en France métropolitaine, selon les estimations de l’Institut national du cancer (INCa). Une personne atteinte d’un cancer peut, selon certaines conditions (chimiothérapie, radiothérapie,…), bénéficier d’un remboursement total de ses frais de transport. Le cas échéant, le patient se voit octroyer une ALD (affection de longue durée). Il reçoit de la part de l’hôpital une prescription médicale de transport qu’il transmet au chauffeur. Ce dernier sera ensuite payé par la sécurité sociale.
« Je ne réglais rien, on venait me chercher et on me ramenait tous les jours. Il suffisait que j’authentifie le trajet avec un document », se souvient Georges, 84 ans, hospitalisé pour un cancer de la prostate en 2018 à Paris. Pour trouver un taxi conventionné, plusieurs moyens existent comme les Pages jaunes ou le site officiel de l’Assurance maladie. « En général, le client m’appelle directement, les gens ne veulent pas tomber sur n’importe qui », explique Loïc, chauffeur de taxi conventionné depuis cinq ans à Nancy. Il s’agit d’un fonctionnement qui permet au patient de choisir la personne qui la conduira à ses rendez-vous. Pour obtenir une convention, pas de formation spécifique. Le plus simple est de racheter une licence à une personne conventionnée, l’autre solution est d’en faire la demande et d’espérer qu’une place se libère.
Zineb, empruntant son taxi pour rentrer chez elle après sa chimiothérapie. Photo : Selim Oumeddour
« Avoir le transport en moins à gérer, c’est s’enlever un poids »
À la différence des autres moyens de transport comme les ambulances ou les VSL, le taxi permet au patient de disposer du même chauffeur pour ses différents trajets. Afin de fixer une course, le patient contacte le chauffeur en amont. Ce dernier le dépose à l’heure prévue et s’arrange pour le ramener chez lui une fois le rendez-vous terminé. « On a déjà plein de choses en tête dans ces moments-là. Avoir le transport en moins à gérer, c’est s’enlever un poids », commente Zineb, 53 ans, qui suit actuellement un traitement contre le cancer du sein à l’hôpital de Nancy.
« Je sais que même s’il y a du retard ou un imprévu, c’est toujours possible de s’arranger. Pour mon dernier scanner, j’ai prévenu la veille pour le lendemain et il s’est débrouillé pour me trouver une solution » se réjouit Zineb. Parfois, il est aussi difficile pour les patients d’être au courant de certaines spécificités, l’expérience du chauffeur est alors précieuse. « Il connaît le fonctionnement, c’est lui qui m’a dit que même pour le scanner j’avais droit au transport gratuit. Je ne le savais pas et j’y allais à chaque fois en voiture » raconte Zineb.
« On est un peu étranger mais en même temps on devient un confident »
Les transports réguliers permettent de créer un lien entre le patient et son chauffeur. « On est un peu étranger mais en même temps on devient un confident », explique Loïc, selon qui il faut savoir sentir les choses pour deviner si la personne veut parler ou non. « Comme je le connais, il y a une relation qui se crée », témoigne Zineb, conduite par Loïc depuis six mois, dès que ses enfants ne pouvaient plus l’emmener. « Lors de mon dernier trajet, on a parlé musique. J’ai appris qu’il jouait dans un groupe et on s’est rendu compte qu’on avait des goûts en commun. Je n’ai pas vu le temps passer », ajoute-t-elle.
Pour Loïc, il est important de tout de même garder une distance avec les patients pour se préserver. « Si je commence à trop m’attacher, au final c’est moi qui en prend un coup » explique le chauffeur. « Avec l’expérience j’arrive mieux à le gérer, mais quand on n’a plus de nouvelles on s’inquiète, et quand on apprend un décès, c’est dur » avoue Loïc. Mais comme il le dit lui-même, parfois cette distance est difficile à tenir. « Une dame que je transportais avant, j’allais la voir de temps en temps chez elle, même quand elle n’avait pas besoin de mes services, pour prendre de ses nouvelles. Elle était contente », se souvient-il. « Ce n’est pas un métier facile mais je me dis que pendant ces trajets je peux essayer d’apporter un peu de réconfort aux gens. »