Disparition : Axel Kahn, un loup à la tête de la Ligue contre le cancer
Le médecin et généticien Axel Kahn, à la tête de la Ligue contre le cancer depuis juin 2019, s’est éteint le 6 juillet 2021.
« Je requiers mille pardons, ma priorité a cessé, cessera d’être le sérieux de l’analyse des situations, elle est la maîtrise de la douleur chez les autres et chez moi. » Ainsi débute le dernier post d’Axel Kahn sur son blog, le 22 juin dernier. Il vient clore sa Chronique apaisée de la fin d’un itinéraire de vie, débutée le 11 mai, lorsqu’il annonce souffrir d’une forme de cancer très agressive et se retirer de la présidence de la Ligue contre le cancer.
Le médecin raconte, sur Twitter et sur son blog, la manière dont il vit, ses réflexions. Il partage des photos de son retour à sa maison de campagne de Mussy, et se choisit pour animal totem le loup, en référence au poème d’Alfred de Vigny La mort du loup. Il signe ses posts « Axel, le loup romantique », « Axel le loup débonnaire », selon ses humeurs, jusqu’à ce qu’« Axel, le loup désemparé » achève la dernière entrée de son blog.
Axel, le loup reconnaissant, desserre les dents, son sourire n’est pas crispé (17 juin). Fin d'un blog.
— Axel Kahn (@axelkahn) June 17, 2021
LA CHRONIQUE APAISÉE DE LA FIN D’UN ITINÉRAIRE DE VIE https://t.co/hopZTrVwIM
Axel Kahn est né le 5 septembre 1944 au Petit-Pressigny en Indre-et-Loire. Ses frères s’orientent vers la chimie et le journalisme, il choisit la médecine et se spécialise en hématologie. Il devient docteur en médecine et docteur en sciences, avant d’entrer à l’Inserm en tant que biochimiste en 1976. Il s’intéresse particulièrement à l’enzymologie et au génie génétique, puis à la thérapie génique.
De la médecine à la recherche en passant par l’écriture
De 1988 à 1997, il préside la commission du génie biomoléculaire, qui étudie les plantes génétiquement modifiées. Il en démissionne alors que la France interdit la culture d’un maïs transgénique. Il devient alors directeur scientifique adjoint pour les sciences de la vie de Rhône-Poulenc, une grande entreprise de chimie, jusqu’en 1999.
Il se fait notamment connaître en tant que membre du Comité consultatif national d’éthique, de 1992 à 2004. Il s’oppose alors au clonage thérapeutique. Parallèlement, il prend la tête de l’Institut Cochin de 2002 à 2007, puis de l’université Paris V-Descartes jusque 2011. Il fait également partie de la commission présidée par Simone Veil, en 2008, pour la révision du préambule de la Constitution de 1958. En 2014, il rejoint le comité de déontologie du Comité national olympique et sportif français.
L’homme de sciences s’est toujours opposé aux tests génétiques, que ce soit pour déterminer le sexe des athlètes féminines ou dans le cadre du regroupement familial. Il était également contre la brevetabilité des gènes. À côté de ses activités de recherche, il se consacre à l’écriture : il est l’auteur ou coauteur d’une trentaine d’ouvrages. Le dernier, Et le bien dans tout ça, paraît chez Stock en mars. Lorsqu’il annonce être malade, en mai 2021, il poste sur son blog la première préface qu’il avait écrite pour ce livre, racontant ses premiers mois de maladie et de rémission. Le médecin avait choisi de ne pas la faire figurer dans le livre, pensant rester en bonne santé quelques années encore avant une possible rechute.
Un président engagé
C’est en juin 2019 qu’Axel Kahn devient président de la Ligue contre le cancer. À sa tête, il lance notamment une campagne de communication contre les bières ultra-fortes (entre 14 et 17 degrés d’alcool). Il dénonce un « attentat à la santé des jeunes ». « Quand j’étais un jeune homme de trente ans, je pensais que l’alcoolisme allait peu à peu disparaître », confiait-il au Parisien fin septembre 2019. « Il s’agit d’un piège tendu aux jeunes, dont ils auront du mal à sortir. »
Durant son mandat, la Ligue communique également contre les nitrites ajoutés dans la charcuterie, classés cancérigènes probables par le Centre international de recherche sur le cancer. « Leur incidence sur l’apparition du cancer colorectal, le deuxième cancer le plus mortel après celui des poumons, et du cancer de l’estomac, est bien connue », affirme la Ligue.
Lors de ses dernières apparitions médiatiques, Axel Kahn mettait en avant de nouveaux dispositifs de la Ligue pour accompagner les personnes malades à traverser la crise sanitaire sans mettre leur santé en danger. Il alertait aussi le public et les autorités sur la difficulté pour les personnes atteintes de cancers de poursuivre leurs traitements durant la pandémie et dénonçait la pénurie de médicaments : « Il y a eu un recul de 23% des diagnostics de cancer en 2020, ce qui veut dire que pratiquement 100 000 cancers n’ont pas été diagnostiqués », affirmait-il le 4 février dernier au micro d’Europe 1.
Le 17 mai, c’est face à Léa Salamé, sur France Inter, qu’il fait ses adieux publics. « Je ne le fais pas en chantant, j’aime la vie, mais je ne le fais pas non plus dans la terreur. Je le fais avec détermination. Et c’est une période de ma vie qui est très importante. J’ai souvent dit que personne n’est autre chose que ce qu’il fait. Imaginons qu’il me reste trois quatre semaines à pouvoir faire – mais alors, le choix de ce que je fais, la manière dont je le fais, sont plus importants que jamais ». S’il avait perdu la foi et ne croyait pas en l’au-delà, le généticien affirme alors : « Après la mort, il n’y a rien, mais il y a peut-être le souvenir que vous pourrez garder de moi, et ça, c’est une forme d’immortalité. » Axel, le loup éternel.