Témoignage : Adèle, 20 ans, raconte comment elle a donné ses cheveux
Après avoir laissé pousser ses cheveux pendant plusieurs années, Adèle a décidé de les couper pour pouvoir les donner. Elle raconte au Crabe comment elle a vécu le processus.
Tu as donné tes cheveux pour une personne atteinte d’un cancer, est-ce que c’est une maladie chez toi qui résonne et qui te touche personnellement ?
J’ai plusieurs membres de ma famille qui ont déjà eu le cancer et qui n’en sont pas décédés. C’est vrai que ça a pu avoir une incidence sur ma manière de donner mes cheveux.
Sauter l’étape de couper ses cheveux, c’est difficile, mais quand j’ai pensé à la joie que cette personne pourrait avoir en recevant mes cheveux, j’ai su que c’était une action déjà facile mais surtout indispensable.
Tu as procédé un moyen un peu spécial. Tu as décidé de faire don de tes cheveux à une personne que tu connaissais déjà plus ou moins. Est-ce que tu peux nous raconter comment ça s’est déroulé ?
Je me suis d’abord tournée vers des associations, parce que je pensais que c’était l’unique moyen. J’ai été voir sur internet pour me renseigner et je suis tombé sur un site qui s’appelle « La Coupe d’éclat », une association basée en Belgique. Ils marchent par dons de cheveux qu’il faut envoyer par la poste. Donc c’est-à-dire qu’on leur envoie notre adresse. Eux nous envoient notre enveloppe. On place nos cheveux à l’intérieur de cette enveloppe, qu’on leur envoie par la suite. J’en ai fait la demande, mais à cause du Covid je pense, et au nombre de dons qu’ils reçoivent, je n’ai jamais reçu mon enveloppe. Dans cette période d’incertitude durant laquelle je ne savais pas vers quelle autre association de tourner, ma grand-mère est venue me voir. Elle connaissait mon projet et elle m’a dit qu’elle avait une amie qui avait eu le cancer, – et qui ne l’a plus aujourd’hui -. Et cette amie, en fait, ses cheveux n’ont jamais repoussé.
Sauter l’étape de couper ses cheveux, c’est difficile, mais quand j’ai pensé à la joie que cette personne pourrait avoir en recevant mes cheveux, j’ai su que c’était une action déjà facile mais surtout indispensable.
C’est à ce moment-là que tu as accepté. Mais est-ce que tu étais suffisamment renseignée sur la démarche que tu allais entamer ?
Je pense que le fait que les conditions soient aussi floues a beaucoup freiné mon envie pendant quelques années. Parce que je ne savais pas dans quel état je devais donner mes cheveux. Je ne savais pas vers qui me tourner non plus. Par exemple, je voulais me colorer les cheveux donc procéder à une décoloration puis à une coloration, mais je pensais que si je faisais ça je ne pourrai jamais donner mes cheveux. Pendant un moment j’ai été tiraillée entre mon envie de me faire des cheveux fantaisies, et finalement la coloration n’est pas un interdit. J’ai demandé à cette personne qui voulait mes cheveux si ça posait problème et elle m’a bien spécifié que non.
Il faut juste que le cheveu soit en bon état et de 30 centimètres minimum. Ils sont essentiels pour réaliser une nouvelle coupe, pour implanter le cheveu dans la perruque.
Portrait d’Adèle, 20 ans et étudiante, après son don. Crédit photo : Adèle
Et au niveau de la démarche concrètement comment est-ce que tu as donné tes cheveux ?
J’ai pris rendez-vous avec mon coiffeur habituel. La personne à qui je devais donner mes cheveux m’avait donné des conditions spécifiques : je devais laver mes cheveux et faire en sorte qu’ils soient bien propres. Ensuite quand ils sont encore mouillés je devais les attacher avec un élastique, faire une tresse au niveau de ma nuque, et ensuite couper pour que les cheveux restent bien en l’état de mèches et ne s’éparpillent pas. Pour terminer je devais les mettre dans un sachet pour ensuite les donner en main propre.
On n’a pas pu être présentes toutes les deux au même moment. Donc j’ai passé l’enveloppe avec mes cheveux par le biais de ma grand-mère et c’est vrai que c’était assez émouvant et je sais que ça lui a fait énormément plaisir de les recevoir, parce qu’il y avait bien au moins 50 cm donc une belle quantité de cheveux et surtout des cheveux en très bonne santé.
Cheveux après. Légende : Après avoir coupé 50 cm de cheveux, Adèle présente sa nouvelle coupe vue de dos. Crédit : Adèle
C’est aussi émouvant de pouvoir connaître la personne qui va porter tes cheveux. Qu’est-ce que tu as ressenti en faisant cette démarche ?
Je pense que c’est très différent de faire un don de cheveux de particulier en particulier plutôt que par association parce que par association c’est anonyme, tu ne sais pas à qui vont tes cheveux, alors que de particulier en particulier c’est beaucoup plus concret. Un jour je rencontrerai peut-être cette personne avec mes cheveux sur sa tête en tant que perruque. Tu vois directement la personne et à quel point cette action est très importante dans la vie d’autres personnes. C’est ça qui est vraiment marquant.
Donc tu es plutôt positive par rapport à cette expérience ?
Je la recommande à 100% parce qu’en plus c’est quelque chose de très accessible. Je pense même que si l’on a pas d’association tout de suite à qui les donner, on peut les conserver chez soi s’ils ne sont pas à la lumière. On peut les mettre dans un sachet sous vide et les conserver aussi longtemps que l’on cherche une personne à qui les donner. Mais bien sûr que ça conserve des cheveux !
Tout le monde à un moment de sa vie va chez le coiffeur. Et en fait il suffirait de signaler qu’on veut garder ses cheveux en tant que mèches et on pourrait avoir beaucoup plus de dons de cette manière-là et ne pas gâcher des cheveux, les jeter à la poubelle, alors qu’ils auraient pu servir pour une cause assez importante.
Je recommande (le don de cheveux) à 100 % parce qu’en plus c’est quelque chose de très accessible
Pourquoi avoir fait le choix de les donner et non pas de les vendre ?
Tout simplement parce que je ne voulais pas faire de profit sur une situation comme le cancer. Il faut savoir que fabriquer une perruque coûte très cher. Ça peut aller jusque dans les 2000€. Je ne veux pas rajouter un poids en plus, financier et moral à une personne qui n’a plus ses cheveux. Je ne voulais pas faire payer mes cheveux alors que moi-même je les ai.
Retrouvez le témoignage audio d’Adèle dans notre rubrique Ondes de Vie.