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L’accompagnement des cancers pédiatriques au défi du Covid-19

by | Mar 26, 2021 | Planète Crabe

Mises en difficulté par la pandémie, les associations doivent redoubler d’effort et d’inventivité pour accompagner les enfants et leurs parents dans ce tsunami qu’est le cancer.

Le cancer n’a pas disparu avec l’arrivée du Covid-19. Chaque année, 2500 jeunes de moins de 18 ans sont touchés par cette pathologie, première cause de décès par maladie chez les enfants en France et en Europe. Si l’évolution de la recherche permet aujourd’hui d’atteindre 80% de rémission, l’accompagnement des familles reste indispensable afin de traverser cette épreuve. Désormais souvent interdites d’accès aux structures hospitalières, les associations font face à nombre de difficultés dans l’accomplissement de ce rôle.

« Présence, écoute, soutien. » La noble devise de Choisir l’espoir n’aura jamais autant été mise à mal que pendant la pandémie. Basée sur à Villeneuve d’Ascq, dans l’agglomération lilloise mais présente sur l’ensemble du territoire du Nord-Pas-de-Calais, cette association d’aide aux enfants atteints de cancer et à leurs familles illustre la situation dans laquelle se sont retrouvées les structures accompagnantes. Fondée en 1986 par un couple dont l’enfant a été touché par la maladie, l’organisation composée de 50 bénévoles en gilets verts offre aux familles de faire « un bout de chemin » en leur compagnie. « On leur propose une présence tout le temps de la maladie, explique Dorothée Blanckaert, présidente de l’association. Le but, c’est juste d’être là. »

Dorothée Blanckaert et Hélène, deux bénévoles de l’association Choisir l’Espoir dans leurs locaux à Villeneuve-d’Ascq (59) Crédit photo : Sascha Garcia

Annulations en série

Cette présence passe d’abord par l’hôpital, où les bénévoles rencontrent les enfants et leurs familles. Le 1er mars 2020, le centre Oscar Lambret, à Lille, ferme ses portes aux personnes étrangères au corps médical. Il est suivi de près par l’hôpital Jeanne de Flandre, deux semaines plus tard. « Qu’est-ce qu’on fait ? Comment peut-on assurer une présence à ces familles qu’on ne voit plus, aux nouvelles qu’on ne connaît pas ? » Les familles, cloîtrées chez elles et à l’hôpital, vivent désormais en permanence avec la maladie. 

D’accoutumée, l’association propose des activités pour s’évader, oublier le cancer. Des « bulles d’air » pour les enfants et leurs parents. Formule « football » en partenariat avec l’équipe du LOSC? Annulée. Formule « cirque », en partenariat avec le cirque de Lille ? Annulée. Les sorties culturelles au cinéma ou au musée ? Annulées. « Le seul truc qui a tenu, c’est les vacances. Une semaine où on retrouve une vie de famille, où les parents n’ont plus à faire les courses, gérer les repas, les rendez-vous médicaux », explique Hélène, en charge des bénévoles et de leur bien-être. 

Pour maintenir une présence à l’hôpital, il a fallu trouver une solution. Mi-juin 2020, l’établissement Jeanne de Flandre autorise deux associations à revenir dans les couloirs : Les Clowns de l’Espoir — branche dérivée de l’association — et Choisir l’Espoir. Un soulagement pour l’équipe de permanentes bénévoles à l’hôpital. Les appels en visioconférence mis en place jusqu’alors étaient certes une alternative, mais cela restait peu pratique pour l’accompagnement. « On ne voit que l’adulte qui tient la tablette, pas toujours l’enfant ! », affirme Dorothée, « alors que quand on entre dans une chambre, on retient aussi l’ambiance, les jouets, l’odeur… et même si on ne parle qu’aux parents, on voit l’enfant. » Tout cela a un fort impact sur la relation nouée avec la famille. 

Outre l’accompagnement, l’association a dans son ensemble beaucoup souffert de la crise. Les bénévoles, d’une moyenne d’âge de soixante ans, font partie des populations à risques. « Il y a un prendre soin des bénévoles encore plus important », pendant la crise du Covid-19, constate Hélène. Ces derniers étaient là pour aider, mais ne pouvaient plus rien faire. Sans bénévoles, l’association était menacée de fermer. « Notre but premier a été de garder nos bénévoles, c’est comme ça qu’on a travaillé nos nouveaux projets », assure Hélène, qui rappelle la priorité : la présence auprès des familles. 

« On voulait rester présents au maximum. »

La situation n’a pas empêché les bénévoles de se rendre aux domiciles des familles. « Les règles s’établissent entre les deux parties, explique Dorothée, il faut que les bénévoles et la famille soient d’accord. » Ces visites restent néanmoins minoritaires : « même nous, nous sommes réduits dans nos déplacements ». Face à cette situation, l’association a cherché à développer d’autres méthodes d’accompagnement à côté des rencontres en visioconférence, à l’exemple d’un suivi téléphonique. Ce fut une agréable surprise pour les bénévoles. « On s’est aperçues que des familles qui n’avaient pas voulu notre accompagnement à domicile étaient contentes que l’on prenne régulièrement de leurs nouvelles pendant le confinement. » 

Cette possibilité d’assurer une présence à distance a permis de poursuivre le développement de projets avec les familles. « Ces projets sont indispensables pour l’enfant, cela lui permet de s’évader en se concentrant sur autre chose, de s’ancrer dans la vie. » explique Hélène. Ce fut le cas de Valentine, petite fille amoureuse des animaux, qui a réalisé un album de photos et de jeux avec l’aide de ses parents et des bénévoles. « Elle a pu faire autre chose que d’être dans le confinement et la maladie. » D’autres projets pour maintenir le contact avec l’hôpital, comme l’envoi de cartes aux équipes de soignants ou encore la réalisation de masques en tissus ont aussi été mis en place.

« Le Covid-19 nous a permis de découvrir de nouvelles façon d’approcher et d’accompagner les gens », conclut Dorothée. La pandémie a contraint les associations à redoubler de créativité et d’adaptabilité. « On a dû se mettre à l’informatique, ce qui n’était pas évident avec la moyenne d’âge des bénévoles, mais c’est bénéfique car maintenant tous sont en mesure d’organiser des réunions à distance avec les familles. » Car bien que profondément chamboulée, l’association Choisir l’espoir tire des bénéfices de cette expérience. « Il y a des choses qui vont rester, c’est sûr », assure sa présidente. Des cordes nouvelles à ajouter à leur arc, pour toujours mieux offrir aux enfants et à leurs familles un soutien et une « bulle d’air » autrement bienvenus.


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